Ken à 25 ans

C'était une des époques qui ne périssaient pas dans mon esprit de ninja. Le souvenir de cette mission m'était intact, et ce pour toujours. J'étais encore à cette époque un jeune chûnin plein d'avenir. Peu à peu, j'avais délaissé les missions en groupe avec mes deux camarades et mon maître, pour opérer au sein d'escouades chargés d'autres missions. Il s'agissait principalement de missions d'infiltrations, qui nécessitaient un shinobi spécialiste du Genjutsu, ce qui était déjà mon cas. Il s'agissait la plupart du temps d'opérations de police que les autorités ne pouvaient confier aux forces de l'ordre, incapables de faire face à la férocité des clans de yakuzas qui régnaient en maître sur certaines zones de certaines villes. Kumo dépêchait alors une escouade de cinq ninjas, dont je faisais moi-même partie. Nos infiltrations se déroulaient toujours de la même manière, une première phase d'un mois durant lequel nous collections le plus d'informations possibles sur le terrain, puis nous passions à l'attaque en prenant l'identité d'un des membres du groupe pour ensuite détruire le clan de l'intérieur. Notre escouade se composait de trois jônins, et de deux chûnins. Après la dernière mission qui nous avait éloigné pas moins de quatre mois du village, nous retrouvions enfin un peu de repos après le démantèlement du la famille Tetsuda, une des plus influentes de Steel City, la plus grande citée industrielle de pays en matière d'acier.

Cette famille régnait en maîtresse depuis près de quarante ans sur la contrebande de métaux rares et très demandés sur le marché noir. Leur méthode était simple : le racket ou la corruption à grande échelle, ce qui avait valu au chef de famille de faire partie du Conseil de la Ville. Autant dire qu'il était intouchable. Une mission difficile, mais que nous avions réussi en toute discrétion bien évidemment. Le temps de repos fut de courte durée, car une après-midi où je me prélassai dans mon cher appartement, un gros rossignol vint frapper à la porte. Un très gros rossignol, presque aussi grand qu'une corneille. Cela ne pouvait signifier qu'une chose, mon senseï était de retour. Depuis combien de temps ? Cela je l'ignorais. Mais toujours était-il qu'il avait quitté le pays pour une mission top-secrète depuis deux ans. Les rumeurs disaient qu'il avait œuvré dans une mission d'espionnage de Suna. Mais les rumeurs ne sont pas dignes d'informations fiables, selon les préceptes ninjas. Le gros rossignol répondait au nom de Gonzô, et il était le plus fidèle ami de mon maître. Son bec cognait frénétiquement le carreau de ma fenêtre. J'ouvris cette dernière, il déposa un petit parchemin avant de s'envoler. Dessus était inscrit l'heure d'un rendez-vous, suivi de la mention : " Aujourd'hui, terrains d'entrainements. Viens seul ". Je m'habillai pour partir et m'engouffrai dehors, le vent frappait mon visage tant il était rude ce jour-ci. A l'heure convenue, je retrouvai mon sensei adossé contre en arbre en train de roupiller. Une vieille habitude qu'il n'avait toujours pas perdue semblait-il. Je m'approchai de lui silencieusement, pour le réveiller. Il ouvrit les yeux, bailla, se redressa et finit par dire en reprenant ses esprits :

- Hmf ! Mais je ne dormais absolument pas !
- Maître Sarutaki ! Comment un ninja comme vous peut dormir ainsi sans aucune vigilance ?
- Gonzô veille sur moi. En cas de danger, son chant m'aurait réveillé !

En effet, l'énorme rossignol était perché sur une branche, juste au-dessus de son maître. Je ne l'avais même pas remarqué. Il ne fallait pas se fier à l'apparence bedonnante de Sarutaki. C'était un fin tacticien, et son Taijutsu était l'un des plus redoutables Kumo. Sarutaki se mit debout, se gratta le crâne, et entama une petite marche pour détendre ses muscles. Il scruta les environs pour vérifier que je fusse bien venu seul, comme il me l'avait demandé. Nous entamions une petite discussion durant laquelle je tentais de deviner quelle avait été sa dernière mission. Sujet qu'il esquiva habilement. Ses réflèxes d'espion étaient toujours aussi intact. Sarutaki était un des meilleurs formateurs en espionnage du village, et il était très respecté pour cela.

- Pourquoi cette entrevue secrète, sensei ?
- Eh bien disons que j'ai été affecté à un nouveau genre de mission. En quelque sorte, je dois m'improviser traqueur. Laisse-moi t'expliquer la situation. J'ai entendu dire que ton escouade a été responsable de la chute de la famille Tetsuda à Steel City. Le problème est que depuis la disparition de ce clan yakuza, les autres se sont mis à s'affronter les uns les autres pour reprendre le flambeau. La ville vit dans la peur, personne n'ose s'opposer à qui que ce soit, de peur que les représailles soient terribles. Tant que cette lutte invisible perdure, Steel City est plongée dans les ténèbres.
- Quel lien avec la fameuse traque ?
- Il va sans dire que nombre de ces criminels ont engagés clandestinement des mercenaires et autres tueurs à gages pour les épauler dans cette lutte. L'un d'eux m'intéresse tout particulièrement. Il se nomme Otoshi Witu. C'est un ninja du village d'Ame. Un déserteur plus précisément. Et d'après nos sources, ce dernier aurait commencé à travailler pour le compte de la famille Zah, à Steel City. Ses capacités extraordinaires le placent nettement au-dessus du lot, et il faut dire qu'il est clairement l'élément essentiel de l'ascension des Zah. Mais qu'il bosse pour telle famille ou telle autre, je m'en moque. C'est sa tête que je veux.
- Le village a placé une prime ?
- Non. Disons qu'il s'agit du prolongement de ma mission secrète. Cet homme est au courant de certaines choses qui ne doivent pas être divulguées. Il nous a échappé il y a quelques semaines, mais cette fois-ci, nous l'aurons. Etant donné que tu connais Steel City et ses clans yakuzas mieux que personne, j'ai pensé que tes lumières pourront m'éclairer.

Ni une ni deux, j'acceptai. Epauler mon sensei de nouveau me réchauffait le cœur au plus haut point. Deux jours plus tard, nous partions pour Steel City, à la recherche de ce fameux Otoshi. Durant le trajet, mon sensei m'avait fait consulter tout ce qu'il y avait à savoir sur ce ninja déserteur. Un shinobi spécialisé dans l'homicide et les techniques d'assassinat silencieuses. C'était un sacré combattant m'avait affirmé Sarutaki. Notre arrivée dans la ville fut totalement discrète et je remarquai à quel point la ville avait changé depuis quelques mois. L'anarchie régnait en maître, plus aucune force de police ne pouvait assumer son rôle. La population des quartiers nord vivaient dans une perpétuelle terreur. La violence régnait en maître, les règlements de compte, le racket. Toujours aux côtés de Sarutaki, je réactivai l'ancien réseau de mon escouade afin de rassembler le maximum d'informations. Petits délinquants, receleurs et voleurs à la sauvette constituaient ce que dans notre escouade appelions nos " Yeux ". Ces derniers voyaient tout, et en recroisant les informations, on pouvait clairement établir une situation de la ville avec détail. Un jour que Sarutaki faisait dormait encore, je m'étais rendu au marché, situé en pleine zone Zah. Mes informateurs m'affirmaient avoir vu plusieurs fois notre homme. J'étais venu m'assurer de ces dires. Au milieu de la foule, je le vis. Tel qu'il était décrit sur sa fiche. Il était devant moi, inratable. Mais je ne le vis que de dos.

A ses pieds gisaient un homme, mort. Tué par son sabre. De nouveau, je fus confronté à la violence de cette ville. L'homme remit son long manteau qui cacha ses nombreux tatouages yakuzas. Lui aussi en possédait tout comme moi-visiblement. Je m'approchai discrètement et remarquai que l'homme qui venait d'être tué n'était autre qu'un shinobi de Konoha. Ce qui signifiait que plusieurs villages en avaient après lui. Que pouvait-il donc savoir de si important. Je décidai d'entamer une filature. L'homme se glissa dans la foule, et je fis de même, dans le plus grand anonymat. Otoshi finit par sortir de la cohue du marché, pris une ruelle étroite et sombre pour s'engager dans les méandres de la ville. Jusqu'à ce que je perdisse sa trace. Mon cœur s'accéléra. Où avait-il donc bien pu passer. Sur mes gardes, je rapprochai ma main de ma réserve de kunai … Quelque chose de froid se plaqua contre ma gorge. Une lame. J'étais fait comme un rat.

- Tiens donc … Un deuxième rat … Hmmm pourtant tu n'as pas l'air d'être de Konoha. Tes techniques de filatures sont bien médiocres. Un chûnin visiblement. Peu aguerri. Et la peur s'empare de toi. Je suppose que toi aussi tu es venu pour m'éliminer … Malheureusement pour toi ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Je maîtrise le Naishobanashi, la technique du " pas silencieux ". Celle qui me permet de mettre à mort ceux qui ont la complaisance de se croire prédateurs alors qu'ils sont ma proie. Je ne te demanderai pas ton nom, car il est grossier de demander l'identité d'un mort.

Un rugissement retentit, une onde de choc nous propulsa moi et mon agresseur au fond de la ruelle contre un muret. Une technique que je reconnaissais, une de mon sensei. Et ce n'était dommage. Je venais d'échapper à une mort évidente. Otoshi était un shinobi de niveau supérieur. Avant qu'il ne puisse se relever, je décidai de l'attaquer sans attendre.

Raigeki, l'Attaque des éclairs !

Je pointai mon bras vers lui, un rayon concentré foudroyant en jaillit, et fonça droit sur lui. L'agile Otoshi disparut en l'espace d'un instant et se retrouva au centre de la ruelle, face à moi et dos à Sarutaki. Son sabre était dégainé, il était prêt à attaquer. Son niveau d'esquive était à proprement parler incroyable. Au moment où il s'apprêtait à utiliser une de ses techniques, mon maître prit la parole.

- Reste en arrière, Ken ! Il est de mon niveau et tu ne ferais que me gêner.
- Comme on se retrouve, gros plein de soupe. Je devine que tu as bien envie de te venger de l'affront que tu as subit face à moi la dernière fois … Peuh ! Tu ne seras pas le premier ninja que je tue aujourd'hui. Y'a toute une équipe de Konoha à mes trousses aussi. Et tous " le " veulent.
- Ce n'est pas pour " lui " qu'ils veulent ta peau, Otoshi. C'est pour ce que tu sais. Tu es entré en contact avec l'un d'eux, et de ce fait tu es devenu un élément capable de mettre le feu aux poudres. Ton élimination est inéluctable, et ce sera moi qui en terminerai.
- J'ai toujours rêvé de combattre un praticien du Debutekken, le Taijutsu dont tu es le spécialiste. Que le combat commence, mon cher !!

Les deux ninjas se livrèrent alors à un combat titanesque sous mes yeux ébahis. Le Taijutsu de mon maître consistait à utiliser sa propre graisse dans la puissance de ses coups, à la place des muscles. Ce lui donnait une force incroyable. Mais ses capacités ne se limitaient pas là, il pouvait entre en résonnance avec les cellules graisseuses de son adversaire lorsqu'il entrait en contact avec lui, afin de les faire vibrer et les faire imploser avec son propre chakra. Son point fort consistait aussi à résister à toutes sortes de techniques physiques (non tranchantes), car sa propre graisse lui servait d'armure en absorbant tous les chocs. Quant à Otoshi, il misait sur sa vitesse et sur ses coups de sabre, qui étaient nombreux. Mais lorsque mon maître parvint à lui asséner un seul et unique coup après de longues minutes d'échanges musclés, Otoshi s'effondra, le souffle coupé. Sa cage thoracique avait été broyée par la puissance du coup. Sans attendre, Sarutaki bondit dans les airs, et acheva son ennemi en lui éclatant la tête contre le bitume. Du sang éclaboussa les murs ainsi que mon sensei. Ce dernier se releva, fier de cette victoire.

- Mission accomplie.
- Maître … J'aurais dû vous attendre pour la filature …
- Pas d'excuses ! Ru as fait ce que t'a dicté ton instinct de ninja. Accomplir la mission coûte que coûte. Enfin, ce vaurien est mort et il ne représente plus aucun danger. Fouillons-le.
- J'aimerais vous poser une question.
- Oui ?
- Comment avez-vous fait pour le vaincre ? J'avais l'impression que vous anticipiez à l'avance chacun de ses coups.
- Tu un fin observateur, Ken. Comme toujours. Je suis adepte d'un Kusutsu extrêmement pointu. Un don qui se transmet de génération en génération dans ma famille. De ce fait il m'est possible d'anticiper légèrement à l'avance toutes techniques nécessitant le chakra. C'est un sixième sens en quelque sorte. Et c'est comme cela que je suis parvenu à te retrouver facilement. De même que je savais qu'Otoshi était dans cette ville. Maintenant fouillons-le.

Nous épluchions toutes les affaires du pauvre Otoshi décédé. Durant cette opération, je ne cessai de me remémorer le dialogue qui avait précédé le combat entre ce nunekin et mon sensei. Que pouvait-il bien posséder ? Et puis qui étaient les personnes avec qui il était entré en contact ? Pourquoi pouvait-il mettre le feu aux poudres ? Des questions qui ne trouveraient jamais de réponse. Du moins je le pensais à l'époque. Mon maître, lui, savait probablement de quoi il s'agissait. Après avoir tout fouillé, Sarutaki devina où Otoshi résidait exactement. A quelques rues plus loin, nous montâmes dans un bâtiment miteux, dans lequel nous retrouvions l'appartement du shinobi. Sarutaki en fouilla les moindes recoins tandis que j'observai la planque. On y retrouvait des contrats et toutes sortes de dossiers secrets, des correspondances. Sarutaki brûla le tout à l'aide d'un sort Katon. Il ne fallait laisser aucune trace. Dans un vieux sac, il mit la main sur une étrange relique : un katana plutôt court, mais extrêmement raffiné. Il observa la lame, et lut à voix haute les caractères gravés sur celle-ci :

- Kahoga, la lame fantôme. Tu en feras bon usage, Ken. Elle est très précieuse et unique. Enfin, tu le découvriras par toi-même. C'est ce pourquoi Otoshi pensait que l'équipe de Konoha le chassait.

Je pris le sabre et remerciai mon sensei. C'était une belle lame. Lorsque je la saisis pour en tester le tranchant sur mon doigt, la lame traversa ce dernier. Aucune blessure, rien. Je recommençai. Même résultat. Sur du bois, sur son fourreau, la lame traversait tout, comme si elle était immatérielle. Elle portait bien son surnom de " Lame Fantôme ". Et j'ignorais encore comment utilisais une telle arme, si elle était incapable de tuer. Mais je me fourvoyais, et j'ignorais tout des propriétés uniques de Kahoga. Sarutaki m'adressa un sourire moqueur, car lui savait de quel genre d'épée il avait déniché dans la planque d'Otoshi. Sans plus attendre, nous quittions Steel City avec soulagement. La mort d'Otoshi n'allait en rien arranger les choses dans cette ville crasseuse. Les luttes de yakuza allaient se poursuivre jusqu'à ce que certains prissent l'avantage et dominassent les autres. Pour notre part, mon sensei et moi-même rentrions au village, heureux d'avoir accompli notre mission.