» Les meilleurs sont là ;

Ça sonne.
J’ai bientôt fini.
…
Ça sonne encore.
Bientôt. Cinq minutes et j’y vais.
…
Ffrrr.
…

Tiens, ça sonne plus ?

Il leva les yeux. Les ombres des objets dansaient dans la pièce, projetées par la faible lumière d’une flamme. Tout était si sombre ; totalement absorbé dans sa tâche il n’avait pas remarqué à quel point tout s’était obscurci. Le peu de lumière qui filtrait par ses volets cette après-midi avait disparu laissant, seule, sa lampe de bureau éclairer son étude. Il approcha son œil de la rainure entre les volets, aperçut une étoile. Il s’étira en grognant. Il était resté plusieurs heures assis à cette table. Mais il n’était pas mécontent du résultat. Il fit le point mentalement sur tout ce qui s’était passé. Alors, il se souvint vaguement avoir été dérangé par un bruit un peu plus tôt. Ah, qu’est-ce que c’était déjà ? Peu importe. Si c’était important, il s’en souviendrait. Il attrapa un verre posé non loin et engloutit ce qui s’y trouvait. Un concentré pour rester éveillé. Il avait encore du boulot. Ah, quelqu’un avait sonné. Il se souvenait… C’était y’a combien de temps ? Deux, trois heures ? Il se dirigea vers la porte d’entrée, dissimulée par la pénombre. Mais au moment où il l’ouvrit, quelque chose tomba à ses pieds. Ah, un message… C’était pour ça qu’on avait sonné un peu plus tôt. Sans réponse, le messager l’avait simplement glissé dans la fente de la porte. Encore un qui faisait mal son job. Juuji jeta le message sur sa table de chevet sans l’ouvrir et se remit à son bureau.

Une journée comme une autre ; la solitude, le travail.

Ding. Ça sonnait de nouveau. Cette fois le bruit le fit sursauter. Il ouvrit, la lumière l’aveugla. C’était le matin, clairement. Il ne reconnut pas la personne qui lui parla – de toute façon il voyait tout en nuance de jaune fluo à ce moment-là – mais le type se présenta comme le messager qui n’avait pas voulu attendre toute la nuit qu’on lui ouvre la porte. « J’ai bien vu la lumière, vous étiez là. C’est un peu gonflant les gens comme vous. » Mais le remords l’avait saisi ce matin, allez savoir pourquoi, et il était revenu pour voir si Juuji avait récupéré le fameux message. Apparemment, ça aurait été dommage s’il ne l’avait pas eu… What ?! L’esprit de Juuji shaka si fort qu’il aurait pu provoquer un tremblement de terre s’il avait été matériel. Il ne savait pas s’il devait taper ce type, l’ignorer – et aller se coucher – ou, prochainement, l’embrasser pour lui avoir rappelé qu’il n’avait pas ouvert son courrier. Finalement, il fit un mélange désordonné des trois. Il posa sa main sur l’épaule du gars en guise de remerciement puis, avec un air tout à fait sérieux, lui claqua la porte au nez ce qui, malheureusement, claqua aussi ses doigts.

•

Juuji parvint au supposé point de rendez-vous au crépuscule. Le Temple du Sable d’Or. Il bailla. A vrai dire, il avait fait aussi vite qu’il avait pu. Mais ayant pris connaissance de l’invitation seulement le matin-même – merci petit messager aux doigts cassés – et ayant passé plusieurs jours enfermé chez lui jusqu’à aujourd’hui, il lui avait fallu un peu de temps avant de se décider à sortir. De toute façon, il était invité mais… Personne n’avait dit quand on l’attendait. On lui avait simplement donné une énigme sur le lieu de rendez-vous ; énigme, au passage, qu’il pensait avoir facilement résolu. Mais à vrai dire il avait utilisé la technique du SunaBrain : des trucs plus petits que de petits cailloux – du sable – et qui brillent – de l’or – y’avait qu’un seul endroit pas loin de Suna qui portait ce nom. Il s’était focalisé là-dessus et avait complètement occulté toute possibilité que le rendez-vous soit ailleurs qu’à Kaze. Oui, le SunaBrain n’est pas si intelligent ; il est putain de chauvin c’est tout.

Il n’avait jamais mis les pieds au Temple. Il y avait quelques moines qui restaient par là toute leur vie, disait-on. Mais tout semblait silencieux en cette heure. Comme cela ne l’intéressait pas, il ne chercha pas à entrer à l’intérieur. Il s’assit simplement contre un mur extérieur et regarda le soleil disparaitre au loin. Il ne savait pas qui il était censé venir chercher ici. Mais puisqu’on lui avait envoyé un message, on devait le connaitre, non ? Quelqu’un le trouverait bien un jour ou l’autre – au moins pour lui dire que c’était une sous-merde incapable de résoudre une énigme, s'il s'était trompé d'endroit. Il finit par s’endormir.